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Le Misanthrope de Molière

création 2005 –

Pourvu d’une langue d’une élégance rare, oscillant entre comédie de mœurs et tragédie secrète, “Le Misanthrope” est un chef-d’œuvre d’équilibre des genres, de dualité constante.
Ainsi, Alceste (le misanthrope), qui porte tel un habit trop grand tous les symptômes d’un romantique avant l’heure, méprisant les attitudes sociales de son temps, refusant le mensonge et l’hypocrisie des usages mondains, poussant courageusement son mépris jusqu’à vouloir quitter la compagnie des hommes, endosse tout aussi bien la panoplie de l’anti-héros idéal : fat, imbu d’amour propre, jaloux, prétentieux, caractériel et idéaliste, enfant rageur imbécile qui risque de perdre amis, procès et considération.
Et si Célimène (celle qu’il aime) prend souvent les traits d’une coquette médisante, insouciante, légère voire délurée, elle n’en apparaît pas moins une froide calculatrice, femme libre que son veuvage livre à elle même dans un monde sans pitié et qui, pour tenir son rang et préserver son désir de liberté, doit s’entourer d’hommes influents et jouer le jeu de la séduction et de l’hypocrisie.
Deux narcissismes inconciliables donc, tiraillés entre la force de leur amour et la difficulté de le vivre.
Derrière l’intrigue amoureuse doublée d’un drame moral se révèle, tout en nuances subtiles, un arrière fond politique omniprésent.
Par le biais des conventions qu’elle impose, l’autorité royale se devine ici comme une puissance absolue à laquelle il faut se soumettre si l’on ne veut pas passer pour un minable, un ridicule ou un frondeur.
Ballotté d’affaires en procès, d’altercations en provocations, homme de mérite qui refuse tout compromis et dont l’ âme est incompatible avec l’air de la cour, Alceste est l’illustration flagrante de “l’homme aboli” par les exigences politiques et les conventions sociales.
Le réseau des intrigues que Molière tisse entre ses personnages, sur le plan amoureux, moral ou politique, les secrets, les procès, les contradictions, les amours déclarées ou non avouées, les hésitations, les mensonges, font du Misanthrope une machine théâtrale des plus jouissives dont la force de propos n’en finit pas de sonder les fascinantes maladies de nos cœurs et de nos consciences, pour le plus grand plaisir du théâtre.
Notes d’intention pour la mise en scène
Jouer le Misanthrope, c’est jouer avec les apparences.
Jouer le Misanthrope, c’est donc faire du théâtre au plus haut point.
Que trouverons-nous derrière les masques ?
Chercher les fêlures, les points faibles, les contradictions.
Mettre en exergue la dualité des personnages quand tout concourt à en faire des entités trop évidentes.
Dénicher le mal-être de Célimène qui s’engloutit dans le monde sans doute pour mieux le fuir.
Démystifier la noblesse de ton d’un Alceste quasi neurasthénique, qui ne peut visiblement trouver sa place dans le monde qu’en le dénigrant.
Débusquer l’amertume qui remue secrètement le flegme docile de son ami Philinte.
Mettre à jour la cruelle solitude de la prude Arsinoé.
Laisser transparaître l’ennui mortel qui mine les marquis quand ils semblent se satisfaire de leurs plus hautes complaisances.
On l’aura compris, nous mettrons l’accent sur le formidable réseau d’ambiguïtés que Molière a tissé autour de ses personnages.
C’est dire si nous ferons la part belle aux acteurs !
Ici pas de perruques ni de salon XVII ème ! Les costumes se veulent atemporels et l’espace évite la redondance anecdotique. Il est occupé d’un bout à l’autre de la représentation par l’ensemble des comédiens, sorte d’antichambre à la fois des acteurs en attente de faire leur entrée, et des personnages qui gravitent autour de Célimène.
Les conventions de la représentation traditionnelle avec leurs cortèges d’entrées et sorties, de décors et de costumes d’apparat se voient détournées au profit d’une théâtralité avouée qui va surtout mettre l’accent sur le jeu et la langue.
Langue qui fait tout, qui dit tout, révèle tout, recouvre tout.
Langue – marée scandée au fil des actes par le va-et-vient d’un jeu de timbales, ou les “rouleaux” d’un solo de batterie. D’acte en acte un leitmotiv obsessionnel, fil musical qui tire le temps et pallie peut-être à quelques légères invraisemblances dues aux contraintes imposées par la fameuse règle des unités.
Langue omnipotente donc, ( Royale ! ) que la versification met en lumière. Langue-Soleil. Radieuse, éclairante, universelle.
Et de fait, nous sommes frappés par les résonances qu’elle peut encore trouver au siècle où nous sommes.
Alceste est-il autre chose que l’illustration flagrante d’un homme aboli par les conventions de la pensée unique absolutiste ?
A croire que la pensée universelle, qui caractérise si bien nos sociétés modernes, médiatisée aujourd’hui encore à grands coups d’apparences, serait une progéniture de la monarchie absolue.

Dossier « Le misanthrope » (pdf)


DISTRIBUTION


Avec : Catherine Toussaint : Célimène / Dominique Dubuy : Arsinoé / Basque Noemi Veberic Levovnik : Eliante / Fabien Joubert : Alceste / Jean-François Vallet : Oronte / le Garde Pascal Broché : Acaste / Emmanuel Perrier : Clitandre / Dubois Patrick Mourez : Philinte
Mise en scène : François Cancelli
Scénographie : William Noblet
Lumières : Daniel Linard
Musique : Thierry Collin
Costumes : Gingolph Gateau
Maquillages : Nathy Polak
Régie : Niko Joubert
Ingénieur du son : Olivier Moyne

PRODUCTION


Salle Jean Vilar à Revin / Espace Gérard Philipe à St André-les- Vergers / Strada Cie et Théâtre Tout Terrain. Avec le soutien de la D.R.AC et de la Région Champagne-Ardenne

Published in Archives Spectacles